jeudi 19 février 2015

Evaluation : Analyser les productions (oral et écrit) et proposer des actions pédagogiques positives

La nouvelle épreuve de didactique des capes langues, introduite en 2014, oblige les futurs enseignants à connaitre l'échelle de performance du Cecr ainsi que celle du Socle. Il s'agit de développer des compétences professionnelles pour annoter et évaluer positivement les productions écrites et orales des apprenants. Cette analyse doit prendre en compte non seulement l'aspect linguistique, qui est souvent réduit à un inventaire des "fautes", mais surtout l'aspect communication et pragmatique. La finalité de ce travail d'analyse est de proposer des remédiations individuelles et collectives qui ne sont pas que linguistiques. Il s'agit ainsi de concevoir des ateliers pour renforcer les compétences pragmatiques, discursives et linguistiques. On se rapproche des pratiques d'analyse de productions pour certifier un niveau de performance pour les certificats Delf, etc., avec en plus une réflexion sur la différenciation pédagogique.



Il est intéressant de voir l'évolution de la didactique scolaire et de ses attentes en ce qui concerne les connaissances en didactique des langues pour les futurs enseignants (rapport d'anglais) :

"4.2.3 Seconde partie en français Connaissances requises
La majorité des candidats connaît le cadre institutionnel, le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) et les concepts fondamentaux de didactique. Si les notions et thématiques des programmes sont généralement connues et identifiées par eux, l’épreuve requiert en outre qu’ils les articulent explicitement aux objectifs culturels, communicationnels et linguistiques qu’ils se seront fixés. À cet égard, toute tâche finale doit être cohérente avec les objectifs définis et les activités proposées en amont. Cette dynamique est au cœur de la perspective actionnelle, visant à faire des élèves des acteurs sociaux dans la pratique de la langue."

Les candidats doivent proposer une tâche finale dans le respect de l'approche par tâche/actionnelle :

"Il revenait donc au candidat de proposer des stratégies pertinentes pour faire face aux obstacles de ces deux supports.
Une tâche finale envisageable serait de demander aux élèves de rédiger un programme afin d'être élu chef d'un parti, d'une association d'étudiants ou bien délégués de classe si la séquence se situe en début d'année. L'objectif sera donc une production écrite (PE). Toutefois, une production orale (PO) et une production orale en interaction (POI) sont également envisageables. L'élève peut présenter son programme à l'oral et ses camarades l'interroger sur le contenu de ce programme. Enfin, rédiger un dialogue en vue de la préparation du baccalauréat serait une autre possibilité. 
... La tâche finale reposant sur une argumentation, l'objectif pragmatique paraît évident : l'élève devra savoir construire un discours cohérent et pertinent à l'aide de liens logiques et étayé d'exemples.
... Pour ce qui est de l'objectif linguistique, le candidat doit éviter d'énumérer une liste de faits de langue relevés dans le texte sans cohérence avec la tâche finale. Pour cette séquence, les différentes façons d'exprimer son opinion paraissent pertinentes. On pourra proposer une activité sur le lexique, notamment sur les caractéristiques/qualités du leader par opposition au tyran (dérivation des mots, antonymie). Une activité sur les registres de langue paraît également pertinente."

Ces indications montrent bien la recherche d'une nouvelle cohérence en particulier pour les apprentissages linguistiques qui doivent être finalisés par rapport à la tâche finale et l'objectif pragmatique (genre textuel).
L'analyse des productions invite également à une autre approche de l'évaluation et de la correction des productions avec une place importante accordée à la différenciation pédagogique. On constate ainsi une évolution de l'idée trop négative de "remédiation", qui reste dans une visée pédagogique de la faute, vers une idée moins moralisatrice et culpabilisante "d'action pédagogique" :

"Le candidat doit bien tenir compte du cas de figure retenu, car l’analyse dynamique des productions ne sera pas la même selon que l’on aura affaire, par exemple, à la diversité des productions au sein d’une même classe, à l’évolution des acquis d’un élève au cours d’une séquence, à l’étude du profil linguistique d’un élève (analyse de son interlangue prenant en compte l’oral comme l’écrit), ou encore à des productions issues d’évaluations (parmi lesquelles on distinguera entre évaluations formatives et sommatives), à des productions issues d’exercices d’entraînement.
 ... L’analyse de ces productions doit faire état des acquis et des besoins des élèves. Elle ne doit donc pas se borner à un relevé exhaustif (souvent non hiérarchisé) des erreurs de langue commises, lorsqu’il s’en présente. Cette tendance, trop souvent constatée cette année, conduit à un diagnostic stérile des copies
... De façon plus cruciale encore, cette démarche revient à ignorer que la langue est un moyen et non pas une fin, et donc que c’est le sens du message produit par les élèves qui doit primer dans la démarche des candidats. En effet, c’est en se concentrant sur le sens, grâce à l’intelligibilité et à la réflexion qui se dégagent des productions, que le candidat parviendra tout d’abord à définir les acquis, avant d’identifier d’éventuels besoins, notamment si le sens devient confus et que le message se brouille.
Le jury attire cependant l’attention des futurs candidats sur le fait que nombre d’erreurs ne sont pas significatives quand il s’agit d’occurrences isolées qui ne donnent lieu à aucun malentendu. Par ailleurs, parmi les erreurs récurrentes, il convient de s’interroger sur l’impact qu’elles ont sur le message véhiculé.
... Le terme « action pédagogique » ne saurait être compris de façon réductrice comme relevant uniquement de la remédiation. En effet, en fonction de leur contenu, de leur niveau et des objectifs de l’enseignant, certaines productions d’élèves peuvent ne nécessiter aucun remède (cf. remarque ci-dessus). La remédiation est une piste d’action pédagogique parmi d’autres. Elle doit en outre être pensée en termes de consolidation des acquis et non en termes de pathologie.
... Compétence pragmatique
Pour se faire comprendre et agir au travers de la langue, il faut savoir organiser ses idées et construire un discours cohérent, que ce soit à l’oral comme à l’écrit : c’est la compétence pragmatique discursive. Par ailleurs, il faut également apprendre à mobiliser ses connaissances et à les adapter au service de la réussite de l’objectif fixé: c’est la compétence pragmatique fonctionnelle.
Il est important de noter que la simple juxtaposition est un premier degré de construction du discours. Elle n’empêche pas la cohérence d’un propos. L’usage de connecteurs logiques élémentaires, puis de plus en plus complexes, représente des niveaux de réalisation plus avancés dans cette compétence.
Enfin, de nombreux candidats ont affirmé à tort que la question du registre de langue relevait de la compétence pragmatique. Elle relève en fait de la compétence socio- linguistique." 

Ces différents extraits montrent que l'évaluation des productions ne doit pas uniquement se concevoir de manière négative et "pathologique" mais qu'elle doit d'abord souligner les acquis pour un niveau de performance visé avant de proposer des "actions pédagogiques" qui ne se limitent pas à la question de la remédiation.
La didactique scolaire apporte ainsi des propositions conceptualisées valables pour toutes les langues dont le FLE. Il s'agit bien de s'orienter vers une approche de genres discursifs qui caractérisent les tâches finales, tâches qui sont sociales, et pas, comme ce fut le cas jusqu'ici, de simples tâches scolaires (faire une rédaction, un débat, une lettre fictive, etc.).

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